Le très attendu SUV électrique de Peugeot, le e-3008, connaît des débuts difficiles. Moins d’un an après son lancement, les témoignages de propriétaires exaspérés par des pannes logicielles à répétition se multiplient. Écran noir, système de recharge défaillant et bugs divers ternissent l’image de ce modèle stratégique pour Stellantis. Face à la grogne, le constructeur prépare une mise à jour complexe, mais le silence radio sur les délais inquiète. Enquête sur un scandale technologique qui transforme les premiers clients en « bêta-testeurs » malgré eux.
Une lune de miel de courte durée : les pannes qui gâchent l’expérience
Le Peugeot e-3008, pensé pour concurrencer directement le Tesla Model Y et le Renault Scénic E-Tech, avait tout pour séduire sur le papier. Un design audacieux, un intérieur futuriste avec son « Panoramic i-Cockpit » et la promesse d’une expérience de conduite 100% électrique aboutie. Pourtant, pour de nombreux premiers acheteurs, le rêve a rapidement viré au cauchemar numérique. Une série de pannes logicielles, parfois bloquantes, est venue gâcher la fête.
L’écran noir : quand l’i-Cockpit panoramique devient une source d’angoisse
La pièce maîtresse de l’habitacle, la spectaculaire dalle incurvée de 21 pouces, est aussi la principale source des maux. De nombreux utilisateurs rapportent des « écrans noirs » complets et soudains en plein trajet, les privant de toutes les informations essentielles à la conduite.[1] Une journaliste du média spécialisé Numerama a même rapporté avoir subi ce bug majeur lors d’un essai, une expérience pour le moins anxiogène.[1] Le système peut parfois rester figé, rendant la partie tactile totalement inopérante.[2] Pour récupérer son affichage, une seule solution : une « sieste improvisée » d’une dizaine de minutes, véhicule éteint, sans que la clé ne soit à proximité.[1]
Problèmes de recharge et planificateur d’itinéraire : la double peine des longs trajets
Au-delà de l’affichage, le processus de recharge, un élément crucial pour un véhicule électrique, montre aussi des signes de faiblesse. Des propriétaires sur les forums d’Automobile Propre font état de difficultés lors de la charge, avec des limitations inattendues ou des recharges qui ne se lancent pas correctement.[3] Des utilisateurs ont noté que la courbe de recharge s’effondrait après 55% de batterie, allongeant considérablement les temps d’attente sur les bornes rapides.[3] Ces avaries, combinées à un planificateur d’itinéraire parfois défaillant, transforment la promesse de longs trajets sereins en une véritable épreuve.
Déconnexions, bugs sonores, notifications fantômes : le florilège des « petits » défauts agaçants
La liste des dysfonctionnements ne s’arrête pas là. Des déconnexions intempestives d’Android Auto, des notifications inutiles et répétitives, ou encore un véhicule qui refuse de s’éteindre correctement font partie du quotidien de certains conducteurs.[1] Ces « petits » défauts, mis bout à bout, dégradent fortement l’expérience utilisateur et le sentiment de fiabilité d’un véhicule pourtant vendu à un prix premium.
« On a l’impression d’être des bêta-testeurs » : la colère gronde sur les forums
Sur les forums et les groupes Facebook dédiés, le ton monte. Les témoignages de propriétaires déçus affluent, tous décrivant des scénarios similaires. Le sentiment général est celui d’avoir payé le prix fort pour un produit non abouti. « On a l’impression d’être des bêta-testeurs pour Peugeot », peut-on lire fréquemment.
Face à ces problèmes, le parcours du combattant commence en concession. Les propriétaires rapportent des délais d’attente qui s’allongent pour obtenir un rendez-vous, et une fois sur place, les techniciens semblent souvent démunis face à des pannes d’origine purement logicielle.[4] Un utilisateur raconte comment, après une mise à jour qui a aggravé la situation, son concessionnaire a admis ne plus avoir la main sur les correctifs et ne pouvoir que « remonter le bug chez Peugeot ».[4] Cette situation soulève une inquiétude légitime quant à l’impact de ces défauts de jeunesse sur la valeur de revente du véhicule.
Origine du problème : que se passe-t-il dans les coulisses de Peugeot ?
La communication de Stellantis reste pour l’instant très discrète sur le sujet. Aucun communiqué de presse officiel ne détaille la nature des problèmes ni ne donne un calendrier précis pour un correctif.[5] Selon les informations recueillies, Peugeot travaillerait sur une mise à jour logicielle majeure, mais le déploiement semble plus complexe que prévu.
Pour de nombreux experts du secteur, cette situation illustre le défi immense que représente la « software-defined car » (voiture définie par le logiciel) pour les constructeurs traditionnels. Le développement logiciel requiert des compétences et des cycles de validation très différents de ceux de l’ingénierie mécanique. La tentation de lancer un véhicule rapidement pour occuper le marché, quitte à corriger les bugs plus tard, est grande.
La mise à jour (OTA) : solution miracle ou nouvelle source de problèmes ?
La solution promise par Peugeot repose sur les mises à jour « Over-The-Air » (OTA), qui permettent de corriger le logiciel du véhicule à distance, sans passage en atelier. Cette technologie, popularisée par Tesla, est devenue un standard dans l’industrie. Cependant, son déploiement à grande échelle est complexe. Elle nécessite une architecture logicielle robuste et sécurisée pour éviter qu’une mise à jour ne crée de nouveaux problèmes, un phénomène bien connu dans l’informatique. Des témoignages montrent déjà qu’une mise à jour OTA sur le e-3008 peut échouer ou même introduire de nouveaux bugs, comme des écrans qui deviennent instables après l’installation.[4]
Guide pratique : que faire si votre e-3008 est concerné ?
Si vous êtes propriétaire d’un Peugeot e-3008 et que vous rencontrez ces problèmes, plusieurs recours sont possibles.
- Signaler le problème : La première étape est de contacter votre concessionnaire par lettre recommandée avec accusé de réception pour signaler officiellement les dysfonctionnements.
- Garantie légale de conformité : En France, tout produit acheté à un professionnel, y compris une voiture, est couvert par la garantie légale de conformité pendant deux ans.[6] Si le véhicule est impropre à l’usage attendu ou ne correspond pas à la description, vous êtes en droit d’exiger une réparation, un remplacement ou, si ces solutions sont impossibles, une réduction du prix ou l’annulation de la vente.[7][8] Un bug logiciel critique qui affecte des fonctions essentielles comme l’affichage ou la recharge entre dans ce cadre.[7][8]
- Annuler la commande : Si vous n’avez pas encore été livré, les conditions d’annulation dépendent de votre contrat.[9][10] Cependant, la connaissance de défauts de conformité majeurs avant la livraison peut être un argument pour négocier une annulation avec le vendeur.[10]
Au-delà du e-3008 : la fiabilité logicielle, nouveau talon d’Achille des constructeurs ?
Le cas du Peugeot e-3008 n’est pas isolé. Avant lui, Volkswagen avait connu un lancement chaotique pour son ID.3, également en raison de très nombreux bugs logiciels qui avaient nécessité des mois de correctifs. Cette situation met en lumière la nouvelle bataille que se livrent les constructeurs automobiles : celle du logiciel. Alors que des acteurs comme Tesla ont construit leur succès sur leur maîtrise du software et des mises à jour fluides et régulières, les constructeurs historiques semblent encore en phase d’apprentissage. Un apprentissage qui, dans le cas du e-3008, se fait au détriment des premiers clients.